Réforme du régime des changements d’usage par la loi le Meur

Publié le 14 avril 2025 à 18:43

La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 (dite « loi Le Meur ») renforce le mécanisme du contrôle de l'usage d'habitation de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation (CCH), réécrit à cette occasion (à compter du 21 novembre 2024) :

 

  • Champ d’application : Le législateur étend le nombre de communes pouvant mettre en œuvre un régime d'autorisation préalable au changement d'usage d'un local d'habitation. Il renvoie à la liste fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts, c’est-à-dire le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts. Le régime du changement d’usage s’applique dans les communes situées en zone tendue/dans lesquelles la taxe annuelle sur les logements vacants est instituée/où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements (dont celles situées dans une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants) (et non plus les seules communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne). Il n’existe toutefois plus d’application de plein droit de cette législation puisque le texte prévoit désormais que ces communes peuvent s’y soumettre, sur délibération de leur organe délibérant. Toutefois, on peut se demander quel est l'intérêt d'avoir modifié le régime antérieur, qui permettait déjà, aux termes de l'article L. 631-9 du CCH, à ces communes de se doter d'un dispositif de contrôle du changement d'usage. En effet, l’article L. 631-9 du CCH, dans sa nouvelle rédaction postérieure au 21 novembre 2014, étend le champ d’application de ce régime aux communes en zone tendue, sur délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de plan local d'urbanisme (PLU) ou, à défaut, du conseil municipal. A noter l'absence de registre listant les communes qui ont décidé de se soumettre au régime au changement d’usage, ce qui peut poser problème dans l'audit des dossiers car il faudra systématiquement vérifier si la commune est soumise ou non au régime sans pouvoir bénéficier d'une source fiable.

 

  • Définition : Un alinéa 6 est créé à cet article, qui redéfinit la notion d'usage d'habitation : il s'agit de « tout local habité ou ayant vocation à l'être, même s'il n'est pas occupé effectivement, notamment en cas de vacance ou lorsqu'il a fait l'objet d'un arrêté pour insalubrité ». Ces nouvelles dispositions entraînent une confusion entre les notions de destination (relevant du Code de l’urbanisme) et d’usage (relevant du CCH et du bail). Cette définition n’est pas sans risque, en particulier pour les propriétaires/bailleurs de locaux à destination de bureaux avec des espaces à usage hybride (ex : cuisine, lit, …).

 

  • Preuve : Les règles de preuve de l'usage d'habitation d'un local sont élargies :
    • Charge de la preuve : C'est toujours à la personne souhaitant démontrer un usage illicite de supporter la charge de cette preuve (généralement les collectivités face à des propriétaires qui n'ont pas demandé d'autorisation préalable dans le cadre de meublés de tourisme).
    • Date de référence : L'usage d'habitation n’a plus à être établi par tout moyen au 1er janvier 1970. Dorénavant, deux (2) périodes de référence alternatives sont créées par la loi Le Meur : 
      • soit une période fixe de sept (7) années, entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 ; 
      • soit à n’importe quel moment sur une période glissante correspondant aux trente (30) dernières années précédant la demande d'autorisation préalable au changement d'usage ou la contestation de l'usageIl n’est pas précisé si ces trente ans doivent être considérés comme continus ou discontinus. A noter qu’il n’est pas précisé si la première période prévaut sur la seconde, c’est-à-dire si la seconde période présente un caractère subsidiaire. Par exemple, si un local a été affecté à un usage autre que d'habitation entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 mais qu'il a été affecté à l'habitation pendant les 30 dernières années, doit-on considérer qu'il est à usage d'habitation ? 
      • S’agissant des locaux construits ou ayant fait l’objet de travaux après le 1er janvier 1970, l’article L. 631-7 du CCH maintient la disposition selon laquelle ceux-ci « sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux ont été autorisés » (c’est-à-dire l’usage autorisé dans le permis de construire).
    • Mode de preuve : L’usage ne peut plus être établi par tout mode de preuve. En effet, un alinéa 5 est ajouté à ce texte, selon lequel une autorisation d'urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d'habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d'une autorisation de changement d'usage. Il n'est donc plus possible de justifier de l'usage d'un local par la seule destination autorisée par un permis de construire obtenu après 1970. Il y a, cette fois encore, confusion des notions de destination et d’usage. Par exemple, un local d'habitation transformé en local commercial en vertu d'une autorisation d'urbanisme, ne perd son usage d’habitation que si une autorisation de changement d'usage a été délivrée.

 

  • Sanctions : Au-delà de la régularisation, l’alinéa 7 (ancien alinéa 5) de cet article prévoit que les actes de vente ou les baux conclus en violation de la réglementation sur le changement d'usage sont nuls de plein droit. Avant même d’en arriver à la nullité, un actif tertiaire grevé de mètres carrés à l’usage devenu équivoque depuis cette loi pourrait même donner lieu à des négociations de loyers à la baisse. La loi Le Meur a également durcit les amendes civiles prévues à l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation, s’élevant désormais à 100 000 € (contre 50 000 € avant le 21 novembre 2024) par local irrégulièrement transformé. En outre, un nouvel article L. 651-2-1 du CCH prévoit que la personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l'infraction prévue à l'article L. 651-2 du même code s’expose à la même amende.

 

  • Autorisations temporaires de changement d’usage : La loi Le Meur permet la délivrance à des personnes morales d'autorisations temporaires de changement d'usage (pour pouvoir se livrer à une activité de location de courte durée/meublé de tourisme pour une durée limitée et renouvelable) au titre de l'article L. 631-7-1-A du CCH, jusqu'alors réservées aux seules personnes physiques. L'extension du bénéfice des autorisations temporaires aux personnes morales vise implicitement les exploitants de résidences-services.

 

A noter que le Conseil de Paris a adopté le 13 février 2025 une délibération mettant en conformité le règlement municipal du changement d’usage des locaux d’habitation à cette loi. Parmi les modifications adoptées, le règlement supprime la référence au 1er janvier 1970 pour prouver l’usage d’habitation (article 2 du règlement). Toutefois, cet article ne fait pas mention de la période glissante de 30 ans prévue par la loi Le Meur.

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