En l'espèce, un preneur a pris un local commercial à bail dérogatoire à compter du 15 novembre 2011 (anté PINEL), prévoyant le versement par celui-ci d'un pas-de-porte en cas de conclusion d'un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux. A l'expiration du bail, le preneur est demeuré dans les lieux, sans conclure un nouveau bail ni verser ledit pas-de-porte. Le bailleur l'a assigné en constatation de la résiliation du bail, expulsion et condamnation au paiement du pas-de-porte, pour défaut de paiement des loyers échus jusqu'au prononcé de la résiliation dudit bail (demande additionnelle). Le preneur, qui a quitté les locaux en cours d'instance, a opposé une exception d'inexécution à la demande en paiement des loyers..
La cour d'appel a condamné le preneur à payer les loyers sur l'année 2016, au motif qu'en l'absence de toute pièce démontrant qu'il n'a pas pu exploiter son commerce antérieurement au mois d'août, il ne peut pas se prévaloir d'une exception d'inexécution avant décembre, date à laquelle il a tiré les conséquences du refus du bailleur d'exécuter les travaux sollicités aux termes de sa mise en demeure (dans laquelle il l'a informé de l'état du local et de l'impossibilité de l'exploiter).
Le preneur se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel.
La Cour de cassation casse et annule le jugement d'appel au visa des articles suivants :
- article 1184, alinéa 1 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), selon lequel la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ;
- article 1719 du Code civil, selon lequel le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
- article 1728 du Code civil, selon lequel le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
La Cour de cassation retient que :
- le preneur n'est pas obligé de payer un loyer pour un local commercial inutilisable ; et
- le preneur à bail commercial peut se prévaloir d'une exception d'inexécution pour refuser, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l'usage auquel ils étaient destinés, d'exécuter son obligation de paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable.
Ainsi, en exigeant une mise en demeure, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et partant, a violé les textes susvisés. En pratique, le preneur peut suspendre immédiatement et sans avoir à envoyer une mise en demeure préalable, le paiement des loyers dès lors que le local commercial ne peut être utilisé conformément à l'usage auquel il est destiné, par suite d'un manquement du bailleur à ses obligations de délivrance.
La doctrine considère que cette règle n'est pas nécessairement applicable en cas de renonciation à l'exception d'inexécution dans le bail commercial.
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 18 septembre 2025, n° 23-24.005
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